Essai

Il nous fallait des mythes ou La Révolution et ses imaginaires de 1789 à nos jours

Publié le mardi 07 janvier 2025

La révolution permanente

Fascinant de lire comment ces évènements ont circulé dans le temps sous la plume des historiens et des politiques. A l'heure où se tient à Paris, au Musée Carnavalet, une drôle d'exposition intitulée Paris 1793-1794 une année révolutionnaire qui parait plutôt relativiser la période de le Terreur, l'ouvrage d'Emmanuel de Waresquiel vient à point nommé revisiter les chapitres clés de la Révolution française, battre en brèche les idées reçues qui se sont construites depuis et surtout montrer à la fois leur évolution et leur permanence dans notre mémoire politique. Etonnant à plus d'un titre.

Les principes de la relativité universelle ont été définis au temps des Lumières, période qui a préparé le mouvement révolutionnaire. Ils s'appliquent parfaitement aux enseignements que nous avons pu tirer collectivement de cette Révolution française.

Extrait

 " Certes, tous les partis politiques se réclament désormais de la république, mais la Révolution continue d'être vécue, plus ou moins consciemment, « de l'intérieur», avec enthousiasme et conviction pour certains, méfiance, appréhension ou dégoût pour d'autres.

Notre actuelle république - et nous avec elle - est encore vivante de ces héritages-là. Les doigts des deux mains n'y suffiraient pas : les droits de l'homme et du citoyen, la nation, la souveraineté du peuple, son indivisibilité, une laïcité plus ou moins sacralisée, l'État providence, la liberté par éclipses, l'obsession égalitaire, l'inflation législative, les métastases bureaucratiques ou, comme dirait Tocqueville, les « habitudes administratives», leur centralité jacobine malgré des lois récentes. Et encore : la gauche et la droite, une certaine culture politique de l'affrontement en lieu et place du compromis, le goût des mots et des abstractions, les rêves de « table rase » et de « salut public », la haine du riche, les silences de l'argent, la défiance et la méfiance, les comités de surveillance révolutionnaires réinventés en comités d'évaluation et de contrôle au nom du principe de précaution.

La tentation enfin d'en appeler sans cesse à une légitimité populaire et souveraine mise au-dessus de la légalité représentative. Les « journées » révolutionnaires de la Terreur, les luttes de pouvoir entre les sections sans-culottes parisiennes et la Convention nationale ont laissé des traces.

Deux légitimités s'affrontent sous la Révolution, celle de l'élection et celle de la rue. Il en est resté quelque chose. Je pense à notre bel appétit pour les manifestations et pour la grève. Je pense aux récents « gilets jaunes » et à leur référendum d'initiative citoyenne. Souvenons-nous des paroles du général de Gaulle à Londres en 1940, rapportées plus tard par Alain Peyrefitte : « Les questions d'autorité, de subordination, d'ordre social sont résolues par la loi et le règlement. Mais quand il y a une urgence nationale, comprenez-vous, un péril public, des questions qui sont résolues une fois pour toutes peuvent se poser à nouveau en d'autres termes. Le critère des critères c'est l'intérêt du pays qui doit toujours primer. L'État en est le garant. Si la légalité est défaillante, la légitimité doit s'y substituer.»

Bref, la Révolution nous habite peu ou prou. Par infusion."